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Une charcuterie en pleine croissance

À peine quatre ans au compteur et la charcuterie de la ferme de Hermesnil parvient à transformer plus de trente-cinq porcs par semaine avec neuf salariés dédiés.

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Sur la route pour se rendre à la ferme de Hermesnil à Grigneuseville, à mi-chemin entre Dieppe et Rouen en Seine-Maritime, le paysage fait la part belle aux grandes cultures et aux départementales bien droites. « Nous sommes tout près du pays de Bray, à vocation plus herbagère, mais ici les terres sont encore celles à haut potentiel du pays de Caux », nous confirme, à notre arrivée, le chef d’exploitation, Olivier Blondel. Il nous accueille dans son bureau sis à son domicile, à quelques pas de son laboratoire de transformation et de son élevage d’engraissement de cochons.

Lorsqu’il a commencé ses investigations pour installer un atelier de charcuterie au début des années 2010, en pleine crise des cours du porc et des grandes cultures, Olivier, qui valorise 125 ha, s’est entendu dire : « Cela ne marchera jamais ! Vous êtes des nantis avec vos rendements en blé et vos betteraves sucrières. Vous n’aurez jamais assez de motivation. »

Cinq ans de maturation

Piqué au vif par ces propos sortis de la bouche de celui-là même qui sera plus tard son mentor en matière de charcuterie, notre Normand redouble d’efforts pour donner du sens à son projet. Avec le recul, il ne regrette ni son choix, ni d’avoir été poussé dans ses retranchements au bon moment. « Je me suis rendu compte que, dans notre secteur, nous avions dix ans de retard dans les circuits courts par rapport à des régions comme l’Auvergne. Ici, avec nos grandes cultures, nous commençons tout juste à voir que nous arrivons au bout d’un système qui crée peu de valeur ajoutée », détaille l’éleveur, qui n’a pas hésité à se former pendant cinq semaines à la charcuterie, à l’Ecole nationale des industries du lait et de la viande (Enilv) à Aurillac.

De 2009 jusqu’à l’ouverture, en juillet 2015, il aura fallu un peu plus de cinq ans de maturation à Olivier avant d’ouvrir son atelier. Le montant investi dans le laboratoire de transformation est colossal. « 950 000 € ! Qui est assez fou pour faire ça ? », s’interroge Olivier Blondel, qui pointe le manque de laboratoires de transformation collectifs structurants dans les territoires ruraux. Ce montant, qui comprend aussi le matériel, la station d’épuration et la réserve incendie, a permis d’édifier un outil entièrement neuf et digne d’une belle PME de l’agroalimentaire. « Au départ, je voulais utiliser une ancienne stabulation. Mais j’ai renoncé. Il y a les charges de structure du bâtiment, mais aussi opérationnelles au quotidien qu’il ne faut pas oublier », insiste l’éleveur. Le bâtiment actuel est une copie presque conforme d’un atelier fermier en région Midi-Pyrénées. « Avant de me lancer, j’ai visité 25 laboratoires différents en France et au Canada. »

Dès l’ouverture, l’éleveur embauche un charcutier professionnel. Au démarrage, il doit aller vite pour écraser les charges de structure importantes. Il commence par transformer quatre cochons par semaine et développe une activité passionnante de prestation de services pour aider d’autres agriculteurs alentour à développer de nouveaux produits.

Marchés de producteurs

Le marché répond bien, mais pas forcément comme Olivier s’y attendait. « La vente à la ferme a connu un démarrage plus timide que prévu. Mais surtout, je n’imaginais pas le potentiel des magasins de producteurs. »

Aujourd’hui et presque sans avoir prospecté, il transforme entre 35 et 40 porcs par semaine. Il a embauché trois bouchers, deux charcutiers, trois vendeuses-conditionneuses, ainsi que sa femme Sophie, également vendeuse et responsable de la gestion administrative. La demande progresse et l’atelier n’est pas loin d’atteindre sa pleine capacité. Savoir recruter du personnel qualifié sans attendre la surcharge, stocker toujours plus de fournitures, mettre en production de nouveaux produits, faire l’avance des marchandises et des loyers aux magasins de producteurs, affronter les besoins de trésorerie… Ce n’est pas de tout repos de gérer la croissance, et Olivier y parvient en réinjectant une grande part des revenus dans l’activité. « Avec un taux à deux chiffres, j’apprends à mieux anticiper », constate-t-il.

Alexis Dufumier

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